4 février 2007

Carnet de bord, visite d'Hébron (1ère partie)

Nous avons quitté Jérusalem ce 7 août 2006, afin de nous rendre à Hébron, la plus grande ville de Cisjordanie. Après un changement de véhicule obligatoire non loin de Bethléem, nous sommes enfin arrivés. Nous n'avons rencontré qu'un check point. Les habitants nous disent que la guerre au Liban a sollicité une partie du contingent de l'armée israélienne, ce qui a libéré quelques barrières, habituellement fermées ou du moins, très contrôlées (voir photo).

Nous sommes directement partis visiter la petite mosquée d'Abraham. Sur le chemin, nous avons traversé un petit marché, qui semblait s'étioler au fur et à mesure que nous nous approchions de la mosquée. Les gens sont très accueillants, une fois qu'ils comprennent que vous n'êtes pas des colons. Les quelques vendeurs qui subsistent à l'entrée de la vieille ville ont insisté pour que nous prenions gratuitement quelques fruits. Nous avons négocié avec eux pour payer, mais ils ont refusé catégoriquement. C'est la première fois que je dois marchander dans ce sens là ! 


Au fur et à mesure, la vieille ville se vide de plus en plus. Les ruelles sont protégées au dessus de nos têtes par des grillages défoncés et encombrés par tout un tas d'ordures diverses et variées. En regardant attentivement les immeubles au dessus de ces grillages, nous apercevons une banderole de drapeaux israéliens. Les jeunes palestiniens qui nous accompagnent nous expliquent que se sont des colons qui balancent leurs ordures sur les passants. C'est la raison de la présence de ce grillage de protection. D'ailleurs, les réactions ne se font pas attendre et nous recevons une petite pierre lancée d'une fenêtre. Nous pressons le pas car nos guides ne sont pas tranquilles. Les colons font souvent des descentes dans la vieille ville nous expliquent-ils. Ils sont armés et peuvent tirer sans aucune raison apparente, sous le regard des soldats immobiles.

Avant d'arriver à l'entrée de la fameuse mosquée d'Abraham, nous prenons un jus de carotte auprès du seul petit magasin encore ouvert dans cette partie de la ville. C'est une vieil homme (voir photo) qui tient sa petite boutique et qui a fermement décidé de ne pas la fermer.

Nous atteignons enfin notre but. Après trois barrières de contrôles de l'armée israélienne, nous découvrons cette petite mosquée, simple et modeste qui pourtant représente une place d'une importance sans commune mesure pour les habitants. En effet, là repose le Père des trois religions monothéistes : Abraham. La mosquée est maintenant coupée en deux. La deuxième partie est devenue une synagogue fréquentée par les 400 colons qui occupent le centre ville. D'ailleurs, la tombe du patriarche est visitable des deux côtés, et on peut apercevoir à travers la grille, les visiteurs israéliens. Des échanges de regards se font : ils semblent se questionner sur notre présence du "mauvais" côté de la grille...

Pendant que nous visitions cet endroit, l'un de nos guide s'est fait gifler par un soldat semble-t-il pour avoir parlér à deux jeunes allemandes qui se trouvaient là. Choqué, le jeune homme est venu nous trouver afin que nous partions au plus vite. En sortant, un enfant d'une dizaine d'année, fut agrippé par un soldat qui lui criait dessus. Apparemment l'enfant a été violemment questionné à propos d'une inscription faite en arabe sur son bras... La tension est véritablement palpable et les gens de la vieille ville sont très stressés et paraissent parfois atteindre un certain degré de folie.

Le soir de cette journée du 7 août, nous sommes allé fumer une chicha dans un café, afin de nous relaxer. Nous avons passé une soirée inoubliable avec un groupe d'hommes palestiniens. J'en avais mal aux joues de rire de leurs blagues. Il y avait une ambiance merveilleuse. Ils sont très joyeux et semblent avoir beaucoup de choses à nous apprendre. Pendant que nous discutions, tout en buvant un thé à la menthe, deux jeunes hommes sont arrivés sur une superbe moto de course. Nous avons tous été surpris de cette entrée spectaculaire et bruyante. C'était d'ailleurs la première fois que nous apercevions un tel engin en territoires occupés. Nous avons donc demandé à nos hôtes comment se faisait il que les jeunes n'avaient pas de deux roues. L'explication est tombée comme une sentence : les soldats israéliens ont interdit la possession de deux roues aux habitants des territoires ! Ne me demandez pas quelle est la raison officielle, je l'ignore. Le fait est que les deux jeunes motards nous ont indiqué qu'effectivement s'ils se font choper sur leur moto, ils sont immédiatement arrêtés et emprisonnés.

L'un des policiers palestiniens nous a expliqué que l'une des raisons probable de cette interdiction provenait de la prolifération d'un trafic de véhicules qui subsiste entre Israël et les Territoires Palestiniens. Selon ses dires, certains israéliens s'accorderaient avec des palestiniens pour faire voler leur véhicule par ces derniers. Ainsi, le propriétaire israélien touche l'assurance, pendant que sa voiture est revendue en pièces détachées dans les territoires. Évidemment, chacun prend sa commission sur la revente de ces pièces. C'est pourquoi il est très fréquent de voir les soldats pratiquer un relevé des numéros de série des pièces composant les véhicules contrôlés, afin de vérifier qu'elles ne proviennent pas d'un de ces trafics juteux.

Quoiqu'il en soit, nous avons passé une excellente soirée en présence de ces hommes. L'un d'entre eux, qui travaille pour la police palestinienne nous a raccompagné dans son pick-up. Nous étions tous à l'arrière, les cheveux au vent, criant de joie dans la nuit calme d'Hébron. Le bonheur de notre présence réciproque était d'une force impressionnante. Pendant rien que quelques minutes, nous avons senti cette force, cette liberté émaner de chacun d'entre nous. Nous avons fait "la fête" dans les territoires occupés par des colons qui s'épuisent à haïr et à humilier des habitants, dont certains arrivent tout de même à en rire ! C'est la plus grande preuve d'humanité que nous pouvions recevoir. Cette journée restera gravée dans ma mémoire à jamais... Hébron, la ville où le sourire ne se perds pas malgré la dureté de l'épreuve quotidienne.

Nadia S.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Nadia,

C'est génial d'avoir des informations plus claires d'une personne qui est sur le terrain. C'est vraiment très bien.

Je vais constamment lire le compte-rendu de chacun de tes jours passés là-bas.

Je vais installer le lien de ton blog sur mon site, pour acceder plus rapidement sur le tien.

Bon courage et bonne continuation !