8 février 2007

Carnet de bord, Ramallah

Nous quittons Hébron, des souvenirs plein la tête. Non loin de là, nous nous arrêtons afin de visiter une soufflerie de verre. De l'autre côté de la rue, nous apercevons un check point, ouvert, juste devant une usine Coca Cola. La symbolique était tellement caricaturale, que ça nous a marqué. Voyant notre amusement devant ce tableau, un de nos accompagnateurs nous explique que l'entreprise Coca-Cola a gracieusement offert une partie de son terrain pour la construction du check point... pourtant, ils ne boycottent pas Coca Cola, car, nous précise-t-il, cette usine fait travailler des palestiniens...


Nous avons repris notre chemin et avons décidé à l'unanimité de passer par la route 'palestinienne'. En effet, les palestiniens étant interdits d'accès à Jérusalem, ils doivent faire un détour afin de rallier le sud au nord de la Cisjordanie. Loin d'être un raccourci, ce chemin rallonge le temps de parcours d'au moins une heure et demi, lorsqu'aucun check point n'est fermé ou problématique. Par Jérusalem nous aurions du mettre une demi heure, or là nous sommes arrivés à Ramallah un peu plus de deux heures après notre départ de la soufflerie. La route est exécrable et les check points nombreux. A l'un d'entre eux, le soldat a demandé les passeports à seulement deux d'entre nous, les seuls 'basanés'. Chacun a soupçonné la discrimination assumée du soldat. Nous avons continué notre chemin, longeant à de nombreuses reprises le mur de séparation. Nous nous sommes sentis emprisonnés, comme des parias.

Nous arrivons donc à Ramallah, ville principale de la Palestine, puisqu'habritant le siège de l'Autorité Palestinienne. Cette ville est d'ailleurs très occidentalisée et la majorité de ses habitants sont chrétiens. Le taxi nous dépose en plein centre ville, non loin de la place Manara. Les drapeaux libanais fusent dans les rues, et toutes sortes de CD et DVD de la guerre au Liban sont vendus à la sauvette sur des stands de marché. On trouve même des drapeaux irakiens flottant en solidarité. Deux d'entre nous ont été hébergés chez un chrétien, habitant non loin. Il vit seul et nous a très bien accueilli.
Après s'être reposé, nous avons quelque peu discuté avec notre hôte. Il n'est ni croyant, ni pratiquant, mais reste convaincu que le gouvernement israélien ne veut pas faire la paix. Plus jeune, il a participé à la révolte de la première Intifada et a passé quatre ans en prison. Il nous raconte brièvement les tortures qu'il a subit de la part de ses geôliers. Ces types de tortures ressemblent étrangement à celles faites en Algérie durant la guerre d'indépendance, notamment la technique de l'électricité. Il nous raconte que les soldats faisaient leurs besoins dans un sac et qu'ils lui mettaient sur la tête pendant plusieurs heures. En plein hiver, il est fréquent qu'ils mettent le prisonnier dans un bain d'eau froide, rempli jusqu'au coup, dehors, sous la neige, et ce, pendant plusieurs jours. Ils peuvent aussi vous mettre nu dans une toute petite pièce, où vous devez vous recroqueviller pour entrer. Ils vous laissent ainsi des jours durant. Notre hôte nous explique qu'il y a énormément de palestiniens dans ces prisons. Quand ils arrivent, le premier jour, il y a une sorte de comité d'accueil palestinien, qui questionne les nouveaux sur leurs orientations politiques et sur leur origine géographique dans les territoires. En fonction de leurs réponses, ils sont orientés vers le groupe qui leur correspond.

Une très grande partie des hommes palestiniens sont passés par ces prisons. Aujourd'hui, on dénombre à peu près 10 000 prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes. Se sont lors de rafles la nuit, dans les habitations, que bon nombre d'entre eux finissent par être enfermés sous le joug d'un "emprisonnement administratif" pour lequel aucun jugement n'est nécessaire. Ces emprisonnements administratifs sont ré-actualisables tous les trois mois, à volonté. Vous pouvez donc passer plusieurs années derrière les barreaux sans qu'aucune charge ne pèse contre vous. Les soldats invoquent à tort et à travers les "raisons de sécurité". C'est une aberration, car ces jeunes gens, qui à la base ne sont pas forcément des "combattants", ressortent de ces geôles avec un réseau bien ficelé et dix fois plus de raisons de vouloir se battre pour être libre, si déjà ils n'avaient pas trouver celles-ci dans leur vie quotidienne. Ils ressortent, pour la plupart, écorchés, humiliés, torturés...

Nadia S.

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