3 février 2007

Jérusalem la magnifique, torturée…

Ça y est, je quitte Tel Aviv ce 5 août 2006, pour rejoindre Jérusalem. Je prends un bus collectif qui part de la grande ville israélienne pour me rendre directement dans le vieux quartier de Jérusalem. Je ne veux plus attendre, je veux allez à Jérusalem est… Me voici donc à la porte de Jaffa, à l’entrée de la vieille ville de Jérusalem est / ouest ?! Je ne sais pas trop car apparemment il n’y a pas de différence, pas de barrière, pas de douane…rien. 



Peu importe, pour l’instant je suis émerveillée par la beauté de cette vieille ville qui semble nous faire retomber dans l’histoire de l’age d’or du Moyen Orient. Je pose mes affaires à mon hôtel et je me lance seule dans les ruelles étroites de cette ville chargée d’histoire. Je ne sais pas trop ou je vais, je n’ai pas de plan de la ville, je suis le flot des gens, puis je me détourne, je suis mon instinct, je descends des dizaines de petites marches usées par le passage des touristes, nombreux en période de pèlerinage. Je croise de tout dans cette ville, des chrétiens, des grecs orthodoxes, des juifs orthodoxes, des musulmans orthodoxes… de tout mais souvent orthodoxe en fin de compte. Je fonce, je me retrouve en plein cœur du quartier musulman, avec sa musique, son souk, ses couleurs, ses odeurs de fritures, de thé à la menthe, les femmes qui marchandent, les hommes qui achètent, les enfants qui jouent au ballon… je rentre dans une sorte de petit tunnel en pierre, et au bout, j’aperçois une grande porte : C’est une des entrée de l’Esplanade des Mosquées !

Je fonce droit devant, sans voir les soldats israéliens sur le côté qui m’arrêtent dans mon élan me demandant tout un tas de trucs stupides auxquels je n’étais pas préparée, émerveillée par l’endroit que j’allais visiter. « Tu es musulmane ? D’où viens tu ? Qu’est ce que tu fais ici ? Tu parles l’arabe ? As-tu un visa ? » Me demande l’un d’entre eux. Je reste un peu bouche bée de voir un soldat israélien me demander si je suis musulmane et garder l’entrée de l’Esplanade des Mosquées, sachant que la seconde Intifada a été déclenchée 6 ans plus tôt par la venue de M. Sharon sur cette même place. Je lui dis que je suis musulmane, il me demande de réciter la Fatiha (Sourate d'ouverture du Coran), je fronce les sourcils et je lui récite. Il me confie donc à des palestiniens qui sont à l’entrée. Je couvre ma tête et posant à peine le pied sur l’Esplanade des Mosquées, l’appel à la prière retenti. C’était magique ! J’ai eu l’impression égoïste que le Muezzin n’attendait que mon arrivée.

Je me dirige en premier lieu vers le Dôme du Rocher, mon cœur battait la chamade. J’entre dans ce monument spectaculaire au centre duquel gis un énorme rocher (voir photo), comme le haut d’une montagne autour de laquelle toute la ville se serait construite. En dessous de ce rocher, il y a une autre petite salle de prière. Je ne suis pas descendue de peur que ce soit interdit aux femmes. Et puis, je me suis rendue compte qu’en fait, les femmes et les hommes prient dans les mêmes salles. Les femmes sont derrière et les hommes devant, mais aucune séparation physique ne subsiste. Agréablement surprise, je continue ma visite et me dirige vers la mosquée d’Al Aqsa. Les gens me disent spontanément bonjour, ou plutôt « salam’alaykoum ». Je devais vraiment avoir l’air d’une étrangère car je ne passa pas inaperçue, mais tout le monde est très gentil et règne ici une forme de plénitude. Tout est doux, l’air, l’eau, les gens, le soleil, les enfants qui jouent…la vie. Je visite la mosquée sainte et je remarque dans celle-ci un petit meuble en verre qui contient des douilles de fusils et d’obus. Je demande à une personne ce que c’est. Il me dit que se sont les traces de l’attaque israélienne sur la mosquée d’Al Aqsa il y a six ans, lors du déclenchement de la seconde Intifada.

La réalité apparaît

Ceci est la ligne verte
Après ma visite je sors et je rejoins mes amis français. C’est la que ma visite de Jérusalem devient bien plus pertinente. Au fil des rues, nous remarquons, en plein quartier musulman, des étages entiers d’immeubles portant le drapeau israélien, avec un petit bout de tissu orange accroché. Ces étages sont en fait des colonies au cœur de ce qui normalement est censé être palestinien. Et la ligne verte ? Et Jérusalem est ? Où est elle ? Je la cherche encore. Elle n’existe plus, c’est une énorme tromperie. Il n’y a plus de différences. Tout est devenu israélien. La couleur orange qui s’invite sur ces balcons (voir photo) est en fait le symbole de l’extrême droite israélienne qui prône le développement des colonies et l’expulsion des Arabes de la Palestine. En bas de ces immeubles, quatre gaillards armés (on voit leur flingue dépassé derrière leur pantalon), garde l’entrée. J'apprends plus tard que ces hommes sont payés par la municipalité !! Et là, toute la tension qui subsiste revient d’un coup. Le drapeau palestinien est interdit dans toute la ville, est et ouest, alors que le drapeau israélien foisonne de toute part.


Les commerçants palestiniens qui vendent des tee-shirts à l’effigie de la Palestine et de sa libération, sont obligés  de vendre, sur le même étalage, des tee-shirts à l’effigie de l’armée israélienne ! (voir photos)




Les palestiniens sont en fait sous pression constante. Nous sommes d’ailleurs témoin d’un contrôle de police israélienne sur des musulmans habitants Jérusalem (photo ci-dessous). Délit de salle gueule : nous avons vu les policiers commencer à suivre ces jeunes musulmans depuis déjà plusieurs ruelles. Ces jeunes hommes barbus et habillés de kamis blancs ne sont autres que les propriétaires d’un hôtel dans la rue Via Dolorosa. Le contrôle se passe donc bien et tous retournent à leur occupation…ironie.


Les palestiniens, qui sont pas arabe israéliens, habitant ou travaillant à Jérusalem ont un statut spécifique. Ils sont « jérusalémites ». Ils ont une autorisation spéciale d’entrée et de circulation à Jérusalem et s’ils quittent la ville trop longtemps ils perdent leur statut. Tous les autres palestiniens de Cisjordanie et de Gaza sont interdits d’entrer à Jérusalem ; est ou ouest, cette frontière n’existe désormais plus. J’en veux pour preuve la construction d’un tramway israélien, qui contourne la ville de Jérusalem, annexant donc de facto la ville à l’état d’Israël. Pour information, c’est une entreprise française qui fabrique ce tramway stratégique. 

Dans notre hôtel nous avons discuté avec un jeune homme qui nous a révélé une véritable complexité dans son identité. Il a une carte de résidence israélienne, mais un passeport jordanien. Pourtant il est palestinien ! « Parfois je dis « eux » et « nous », mais je suis en fait incapable de définir qui sont « eux » et « nous ». » nous avoue-t-il. Impressionnant ! Il nous montre sa carte de résidence. Devant la mention « ethnie », nous trouvons : xxxxx. Il y a quelques années, le gouvernement israélien a arrêté de mentionner « arabe », « juif » ou « druze » sur les cartes d’identités, mais ceux qui ne l’ont pas faite réactualiser gardent cette mention. De toute façon, il y a un moyen plus subtil de savoir. En dehors du nom, il y a un numéro : celui du service militaire. Les arabes israéliens, qui sont en fait des palestiniens incorporés dans l’état d’Israël, n’ont pas le droit de faire le service militaire donc il n’y a pas de numéro de service sur leur carte d’identité. Au premier coup d'oeil, vous savez à qui vous avez à faire.

En se baladant dans les ruelles du quartier musulman, on peut entendre, provenant de certains magasins, une chanson à la gloire du Hezbollah et de son chef, Hassan Nasrallah, qui est diffusée à la radio. Les commentaires de palestiniens fusent, ravis de voir aux infos la mort de 12 soldats israéliens sur le front libanais. Tout ceci sous le nez des gardes du corps israéliens qui font mouche de ne rien entendre. Lorsque nous sommes allez vers le Mur des Lamentations, lieu saint du judaïsme, nous avons surpris des discussions entre jeunes juifs américains, fustigeant le partage de la ville avec les "arabes" « ils n’ont rien à foutre la ! Ils vont finir par dégager » s'esclaffait l’un d’entre eux. Nous avons de plus, remarqué une sorte de rambarde, accès direct à l'Esplanade des Mosquées. Car le Mur des Lamentations est en fait l'un des murs qui forme, au-dessus, l'Esplanade. Cette rambarde (photo ci-contre), a été construite par l'armée israélienne, suite au déclenchement de la seconde Intifada. C'est un accès qui permet aux tanks et autres jeeps blindées d'entrer sur l'Esplanade de façon rapide et efficace.

Plus on reste à Jérusalem, plus on ressent la puanteur de la situation. Cette ville renferme à elle seule toute la complexité du conflit israélo-palestinien. Après deux jours passés ici, nous entrerons dans les territoires, direction Hébron.


Nadia S.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Ca commence super bien, c'est passionant, ça se lit comme un livre, à quand la suite ? Jérômouche...

Anonyme a dit…

Salam,
MachaAllah, c'est veritablement bien écrit. Bravo! Je suis ravie de pouvoir voir un aperçu de ce qui se passe là bas, par quelqu'un d'autre que les médias...
Merci.

Anonyme a dit…

Et me revoila replongée 1 an en arriére..cela m'a beaucoup émue, falestine i miss you.. kenza