25 février 2007

Carnet de Bord, Naplouse, rencontre avec un combattant

Aujourd’hui, c’est le dernier jour pour les français du groupe. Deux d’entre nous ont négocié pour aller rencontrer un résistant. Nous voulions absolument parler à un combattant en arme pour avoir une idée de sa position et de ses arguments. Un habitant nous conduit donc dans le camp d'Askar al kadim. Nous entrons dans les ruelles, puis dans une petite maison où  plusieurs hommes assis sur des canapés sont entourés d’armes en tous genres…

« Posez moi les questions que vous voulez, mais sachez que dans une demi-heure / trois quart d’heure je dois m’en aller. » nous explique d’entrée, l’homme qui doit répondre à nos questions. Il se fait appeler Ramadan, mais nous n’avons aucune certitude sur la véracité de ce nom. C’est un homme d’une quarantaine d’année, plutôt souriant, qui ne porte ni la barbe ni de signe distinctif d’appartenance à une religion. Apparemment, il lâche rarement son fusil mitrailleur des yeux. Il fait parti des Brigades des Martyrs d’Al Aqsa, groupe armé proche du Fatah. L’homme nous explique qu’il est recherché par l’armée israélienne et que c’est la raison pour laquelle il ne reste jamais longtemps au même endroit, surtout lorsqu’il rencontre des étrangers. Évidemment la caméra est proscrite et toute photo est interdite.

Nous débutons notre petite interview par les raisons fondamentales de sa décision de prendre les armes. L’homme souri, puis redevient sérieux et explique clairement que pour sa part, il a pris les armes dans un soucis de défense : « Les soldats viennent toutes les nuits tuer nos enfants, nos femmes et détruire nos maisons. Ils nous volent nos terres chaque jour, je ne peux pas les laisser faire sans me défendre. Déclare t il.  De toute manière, que je sois armé ou pas, que je me défende ou pas, le résultat est le même, ils continueront de tuer nos familles. Alors autant se défendre comme on peut. » Poursuit-il.

Une question qui me turlupinait depuis quelques jours me brûle les lèvres. Je lui demande pourquoi ces jeunes se baladent dans la rue toutes armes dehors. Je prends l’exemple de la résistance française pendant la seconde guerre : le mot d’ordre était la discrétion. Or là, c’est tout le contraire. J’insiste en lui demandant, si au final, ce n’est pas contre productif, car tout le monde sait qui est armé et donc si il doit y avoir de la délation, il est aisé de savoir qui accuser. Il répond simplement que leurs armes sont devenues leurs seules protections et que les combattants ne peuvent pas se déplacer sans elles. Comme se sont des armes de calibres importants, ils ne peuvent pas les cacher. Ils sortent donc ouvertement avec, et sont officiellement des combattants. Ils l’assument parfaitement, selon les dires de Ramadan.

Une autre interrogation me vient, concernant les attentats suicides. La réponse n’a pas été très originale et je m’attendais à ce genre de réplique. Ramadan défend cette façon de faire en expliquant le déséquilibre de l’armement entre eux et les soldats israéliens. Il explique que malheureusement, les soldats bombardent les villes palestiniennes, tuant de nombreux civils, sans aucune retenue avec tous types d’armes hyper sophistiquées. Il ne voit donc pas pourquoi eux ne toucheraient pas les civils israéliens en plein cœur de leurs villes. Je lui demande tout de même si cette façon de faire n’est pas aussi contre productive, car la répression des soldats est d’autant plus vive et les négociations de paix en sont souvent frappées de plein fouet. « Ça ne change rien pour nous dit il. Nous avons fait une trêve depuis à peu près deux ans, aucun attentat suicide n’a touché Israël, en contre partie nous voulions la décolonisation et le retrait des terres occupées. Nous avons tenu notre part du marché, mais les israéliens n’en ont rien fait. Ils ne respectent jamais les traités que nous tentons de mettre en place avec eux. »

Nous posons une question sur leur manière de vivre et notamment sur la provenance de l’argent qui leur sert à survivre. Ramadan a refusé de répondre.

Nous poursuivons notre discussion sur la provenance des armes qu’ils possèdent. La réponse m’a particulièrement choquée. Il me présente son arsenal tout neuf, et me demande de lire sur le côté des armes que je vois. Il est inscrit en lettres blanches « Made in Israël ». Automatiquement je lui demande comment cela est possible. Il me répond naturellement qu’ils font du business avec l’armée israélienne. Cette dernière leur vend des armes à des prix raisonnables. Selon les dires de notre hôte, la raison est simplement que l’armée israélienne veut que les différentes milices armées s’entre tuent. « Tu sais, un soldat israélien est capable de te donner son arme de poing pour du Hashish, me réplique-t-il en riant. C’est déjà arrivé à plusieurs reprises.»

La demi heure est passée, nous sommes raccompagnés à la voie principale du camp. Ces quelques dizaines de minutes passées en compagnie de ses combattants nous ont quelque peu éclairé sur l’organisation de ce conflit. Nos préjugés sont bouleversés notamment par les relations ambiguës qu’ils entretiennent avec l’armée israélienne. Nous sommes tout de même rentrés pessimistes sur l’issue de la situation dans les Territoires Palestiniens.

Nadia S.

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