2 février 2007

Carnet de Bord, arrivée à Tel Aviv

J'ai atterri à l'aéroport Ben Gourion dans la matinée du 3 août 2006, à Tel Aviv, ville principale d'Israël. Ma première immersion dans la société israélienne a été quelque peu curieuse.

Dans l'avion, j'ai discuté avec un jeune israélien de 25 ans, Raphaël, qui rentrait de trois mois passés en Europe. Il a été rappelé pour aller servir au Liban. Je n'ai pas discuté avec lui de la situation dans les territoires, mais j'ai remarqué autour de son coup deux pendentifs : l'étoile de David et la Palestine unifiée avec écrit "falastine" en arabe. Voyant que je m'intéressait à son collier, il m'a expliqué : "je l'ai acheté dans les territoires arabes pendant mon service militaire". Il a été très gentil avec moi et m'a même accompagné jusqu'au taxi à la sortie de l'aéroport.

Dans cette avion, j'ai aussi discutée avec ma voisine de gauche, Cindy, une jeune juive de 19 ans d'origine algérienne qui partait, une année, étudier le judaïsme dans un kibboutz religieux. Elle avait l'air enjouée et ravie de faire ce voyage. Dans ma totale méconnaissance (peut-être un peu forcée), je lui ai demandé quelle était la différence entre les 'arabes' algériens et les 'juifs', ce qui pour moi était sensiblement la même chose, si ce n'est une différence de religion lorsque les 'arabes' sont musulmans. Elle a été profondément choquée par ma question et m'a rétorquée "ce n'est absolument pas la même chose ! je ne suis pas une arabe, je suis juive et c'est totalement différent." Finalement elle ne m'a pas beaucoup éclairé sur la différence profonde qui existe. Personnellement, ma mère étant juive et mon père arabe, je ne vois pas en quoi l'un serait forcément l'antagonisme de l'autre... Passons.

En arrivant à Tel Aviv ce 3 août 2006, j'ai été accueillie, par une famille sympathique. Cette famille est composé du père, Yossi, de la mère, Rebecca et de leur fils, Yuval. Leur fille est décédée suite à une crise d'asthme il y a quelques années.
Je me suis tout d'abord intéressée à la femme de Yossi: Rebecca. Elle est née et a grandi en Israël, contrairement à son mari, d'origine bulgare. J'ai ressenti en elle, une forme de nationalisme victimaire. En pleine guerre du Liban, elle tenait absolument à m'expliquer les raisons de cette guerre, selon elle : l'autodéfense. Elle ne semble pas très religieuse et ne fréquente pas la synagogue, mais tient tout de même à pratiquer quelques rites, par tradition dit-elle. Elle m'a servie de la viande cuisinée par des musulmans de Nazareth. Sur l'assiette elle y a déposé une feuille d'aluminium en me disant "je dois me protéger". La viande que j'ai dégustée n'était effectivement pas casher, mais hallal, c'est à dire tuée selon le rite islamique. Cette famille a été très accueillante et j'ai senti en eux une réelle volonté de me faire découvrir leur univers, qu'ils trouvent incompris du reste du monde.

Yossi, le père m'a pourtant beaucoup déçu. Anticolonialiste, membre d'un parti politique de gauche, il est amené régulièrement a faire des voyages afin de discuter d'une possibilité de paix avec les palestiniens. Cependant, je me suis aperçue qu'il n'avait jamais été dans les territoires occupés. Lorsque j'ai émis l'éventualité d'aller à Bethléem afin de visiter la Basilique de la Nativité, je me suis retrouvée face à un véritable "mur". Yossi m'a en effet dit qu'il y a avait là des 'terroristes', que c'était bien trop dangereux et que de toutes façons les soldats ne me laisseraient pas passer. J'ai pris peur et lui ai demandé de me raconter ce qu'il avait vécu. Il m'a simplement dit "je n'y es jamais été, mais je sais..." D'un instant à l'autre je l'ai ressenti comme une coquille vide. Ils ne savent pas ce qui se passe derrière le mur de séparation.

Le jour de mon arrivée, nous avons été visiter la vieille ville de Jaffa. (photo: Tel Aviv vue de Jaffa) Peu après, j'ai rencontré leur fils de 34 ans, Yuval. Il m'a emmené manger un morceau sur une plage non loin de Tel Aviv. Sur le chemin nous avons discuté de la situation du Proche-Orient et en dehors des éléments classiques qui reviennent souvent, il m'a mis en garde par rapport à mes paroles insidieuses. Il est vrai que peu avant de partir, il était arrivé chez lui scandalisé par la mort de huit soldats israéliens au front libanais. Je n'ai pas pu m'empêcher de rétorquer à ce moment, que plus de 900 civils libanais étaient décédés sous les bombes israéliennes (à ce moment la, le nombre des victimes civiles se montaient à environ 900). Il m'a donc clairement fait comprendre que ma réflexion l’avait profondément énervé et que je ne pouvais pas dire que ces gens étaient des civils, car selon lui, la majorité d'entre eux étaient des combattants du Hezbollah. Les chiffres officiels israéliens parlaient alors de plus de 400 personnes armées et dangereuses pour Israël... cela fait tout de même 500 civils...

Un détail m'a frappé lorsque nous avons parcouru, en voiture, les rues de Tel Aviv : une grande partie des voitures portaient un drapeau israélien méticuleusement accroché sur les bords des fenêtres. J'ai demandé à Yuval s'il y avait un match de football, car cette prolifération de drapeaux me faisait penser à la coupe du monde et aux français qui défilaient les rues avec leurs voitures ornées de drapeaux nationaux. Yuval m'a expliqué qu'il y avait en fait, une augmentation du patriotisme israélien dû à la guerre au Liban. Il m'a d'ailleurs traduit une inscription qu'on pouvait retrouver sur nombre de ces voitures : "On va la gagner cette guerre". Je ne me suis pas sentie très à l'aise en me rendant compte que certains citoyens israéliens supportent leur armée comme nous, en France, nous supportons les Bleus ! Yuval a justifié cet état de fait par un besoin de sécurité omniprésent dans la population israélienne. Il m'a parlé de la Shoah et de la difficulté que les israéliens avaient de vivre ensemble tellement leurs origines sont différentes. Mes questions embarrassantes l'ont conduit à me reprocher mon manque de compréhension pour le peuple israélien... Je me suis donc tue, et nous sommes arrivés à la plage ou j'ai rencontré deux de ses amis. A plusieurs reprises, des hélicoptères faisaient des allez et retour au dessus de nos têtes. Tous m'ont expliqués qu'ils allaient ou revenaient du Liban. L'ambiance dans les bars ne semblait pas être perturbée par ces allez et venus et nous avons passé une soirée agréable sur la plage...
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Nadia S.

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