16 février 2007

Naplouse : la Moqata en ruine...

Ce matin là, nous nous sommes empressés de nous retrouver au centre social du camp de réfugiés de New Askar, afin de partir visiter Naplouse. Nous voici donc dans un minibus de fortune, conduit par l’un des habitants. Les routes sont particulièrement mauvaises, de nombreux trous jonchent le sol, des pierres envahissent, à certains endroits, le passage routier.

A l’entrée de la ville, nous apercevons un énorme tas de gravas, qui doit mesurer 250 mètres de long, sur le côté gauche de la route. Un bâtiment a été détruit ici, c’est certain. Nous nous arrêtons et apercevons sur le sol, des papiers officiels entachés par la poussière et les débris. S’élevait ici, la « Moqata » de Naplouse, c'est-à-dire le bâtiment de l’administration de la ville et de la région. Dix jours avant notre arrivée, nous expliquent nos jeunes guides, les soldats israéliens ont détruit ces trois immeubles, annexes du ministère de l’intérieur palestinien, pour rechercher trois présumés « combattants », qu’ils n’ont finalement pas trouvé. C’est à la grenade, à l’obus puis au bulldozer que l’armée israélienne s’est adonnée à un sport qui lui est cher : la destruction des immeubles. Les nombreuses fiches d’état civil se baladent aux grès du vent, avec des photos d’identités méticuleusement agrafées dessus.

Des enfants viennent jouer sur ce qui est maintenant un immense château de ruine. D’autres viennent récupérer ce qui est revendable : le métal, les accessoires de bureau…  Ils ont une dizaine d’année... Ce tas de ruines, ces immeubles éventrés, écorchés nous font penser aux destructions subies par les libanais, au même moment. Cette action de destruction, qui semble mettre à terre toute forme d’autorité autre que celle des militaires, nous touche profondément. Comme un message crié sur les toits : nous vous contrôlons, vous, vos déplacements, votre eau courante, votre électricité, vos lignes téléphoniques, même jusqu’à vos institutions que nous pouvons détruire quand bon nous semble… Car effectivement, nous apprenons plus tard que tout ce qui est nécessaire à la vie des palestiniens dans les territoires : eau, électricité, communication, déplacement, est géré par l’armée israélienne...

Nous reprenons donc notre route en direction de l’université principale de la ville. An-Najah University est absolument immense et somptueuse. 80% des fonds pour sa construction proviennent de la diaspora palestinienne dans le monde, et d’un point de vue architectural, c’est une réussite.  Des centaines, des milliers, d’étudiants et d’étudiantes vont et viennent entre ses murs où se transmet une chose primordiale à la lutte pour la liberté : le savoir. Et nous sentons, par leur organisation, qu’ils l’ont très bien compris : ce savoir est une arme.


Nous reprenons finalement notre minibus et roulons jusque dans la vieille ville de Naplouse. Nous faisons un passage éclair dans un immeuble abritant plusieurs associations de défense des droits des palestiniens. Une affiche nous a marqué : celle de la jeune américaine écrasée en 2003 par un bulldozer israélien. Rachel Corrie avait pacifiquement tenté d’entraver le travail des bulldozers qui construisaient le mur et qui l’ont finalement sciemment, écrasée… La jeune américaine est morte des suites de ses blessures. Ici, tout le monde se souvient d'elle.


La vieille ville : bastion de la résistance

Nous repartons et arrivons finalement dans les ruelles de la vieille ville de Naplouse. Elle ressemble à la vieille ville de Jérusalem : ses passages sont très étroits et les ruelles s’entrecroisent sous les tunnels de pierres. Nous nous baladons dans les rues, où des maisons ont été détruites. A l’entrée nous remarquons d’énormes blocs de pierre qui entravent le passage des véhicules. « Les résistants les ont mis la pour empêcher les bulldozers israéliens de pénétrer dans la vieille ville » nous explique l’un des palestinien qui nous accompagne. De toute façon, ces véhicules ne pourraient pas aller bien loin étant donné l’étroitesse des ruelles. D’ailleurs, nous explique-t-on, cette partie de la ville, ainsi que les camps de réfugiés, constituent les partis les plus difficilement atteignables pour les soldats. Ces derniers ne peuvent pas s’y déplacer en véhicules, et dans les ruelles, ils sont obligés de se mettre les uns derrières les autres. Ce qui ne les enchante pas, étant donné la fragilité que ce type de déplacement engage. Ces coins de villes sont donc les bastions de la résistance palestinienne, et nous ne tardons pas à croiser des hommes en arme.

Ils nous observent et instinctivement s’approchent de notre guide pour lui demander qui nous sommes. Ils parlent en arabe et évidemment, nous n’y comprenons pas un traître mot. Cependant, les jeunes palestiniens qui nous accompagnent nous traduisent le bref échange de paroles. Les jeunes hommes armés ont décidé que dorénavant, avant de pénétrer dans cette partie de la ville, les guides devront les prévenir du passage d’étrangers afin de sécuriser la zone, disent-ils. Ils nous paraissent froids et ne semblent pas spécifiquement enchantés de notre présence. Nous repassons peu après non loin d’eux, et la glace se brise. Ils nous sourient et nous les saluons : « salamalaykoum », ils répondent poliment : « walaykoum salam ». Cela les enchante et ils rient à pleine dent.

La vie continue dans la vieille ville de Naplouse. Les marchands sortent leurs étalages, les musiques orientales retentissent, les enfants jouent, les femmes font leur marché… tout ceci sous le regard avisé de ces hommes armés qui semblent être les gardiens de ces lieux.

Nous montons en haut de la colline qui surplombe la vallée de Naplouse, et observons le coucher du soleil sur la ville. On ne peut pas aller plus loin, les soldats gardent les hauteurs afin d’avoir une vue d’ensemble sur ce qui semble être une prison à ciel ouvert. Toutes les routes de sortie de la ville sont entravées ou contrôlées. Nous rentrons donc au camp de réfugiés, chacun dans nos familles, exténués par cette journée chargée.
Le bal des rafales reprend, une musique…

Nadia S.

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