4 février 2007

Hébron, ville fantôme

Avec une population d'environ 500 000 habitants, Hébron est la ville la plus peuplée de Cisjordanie. Située dans le sud des territoires occupés, non loin de Bethléem, Hébron est en proie à une situation particulièrement difficile.

La ville d’Hébron a connue des heures très sombres. Si dès 1929 les tensions atteignent déjà des sommets avec le massacre de 67 juifs, sous le mandat britannique, la situation n'a que très peu évoluée. et la colonisation y ajoute son cortège de violence, d'humiliation et de colère.



Coupe gorge

Colonie juive d'Hébron vu du toit d'un
immeuble, côté palestinien. 
Séparation arbitraire en plein coeur
de la ville. De l'autre côté, la colonie.
Aujourd’hui, au cœur de cette ville palestinienne, se dresse, une colonie israélienne abritant environs 400 colons. Ces quatre cents juifs orthodoxes sont protégés par plus de 2 000 soldats sur armés. Cette présence a créé une situation particulièrement tendue et dangereuse pour tous palestiniens qui s’approcheraient d’un peu trop près des séparations arbitrairement élevées dans la ville. Cette « bataille » des maisons, est due notamment à la présence du tombeau des patriarches. Serait enterré en plein cœur d’Hébron, Abraham, le père des trois religions monothéistes majoritaires. Son tombeau était à l’origine une mosquée. Mais, le 25 février 1994, le dr. Barry Goldstein, un colon fanatique, entre dans la mosquée Al Haram al Ibrahim, à l’heure de la prière au 15ème jour du mois de Ramadan. Il tire sur les fidèles, tuant ainsi 29 personnes dont trois enfants. Les musulmans n’étaient pas autorisés à entrer dans la mosquée, à l’exception de quatre jours par an. C’est durant l’une de ces quatre journées, que Goldstein a pénétré dans le lieux saint.


Suite à cette tuerie, l’armée israélienne a imposé à la population palestinienne un couvre feu durant quarante jours, puis partagé la mosquée en deux parties, dont l’une est devenue une synagogue. Tout le quartier, qui constituait le souk de la ville, a été fermé. Le centre ville a été complètement bouclé. Les marchands, menacés directement par les soldats et les colons armés, ont fermé leurs boutiques par peur des représailles. Le souk est devenu fantomatique (photo: souk dans la vieille ville d'Hébron), les habitations ont été vidées. La vieille ville d'Hébron comptait plus de 20 000 habitants, il n'en reste aujourd'hui que 3 000. Les rues jouxtant les maisons israéliennes sont protégées par des grillages. Les colons jettent régulièrement des détritus, des parpaings ou des briques sur les passants palestiniens.

Aujourd’hui encore, afin d’atteindre la mosquée, trois contrôles de soldats, communément appelés « check point », sont obligatoires. A 10 mètres de décalages, trois barrages sont imposés à toute personne visitant le lieu de prière, côté palestinien. Il n’est pas rare que l’accès soit refusé aux habitants sous des prétextes incohérents. Les soldats invoquent à tort et à travers la « raison de sécurité ». De l’autre côté en revanche, les colons sont autorisés à porter des armes dans les lieux saints et à pénétrer en toute liberté dans leur parti du tombeau. Ils peuvent aussi se balader dans les rues proches de leur colonie, sous bonne escorte militaire, effrayant du même coup tout palestinien présent dans cette zone.

Ce centre ville est  devenu au fil des années un véritable coupe gorge pour les palestiniens. Une association américaine nommée « Christian Peacemaker Team », a élu domicile exactement au point de séparation entre la vieille ville arabe, et la nouvelle colonie. Cette association chrétienne a été mise en place afin de promouvoir un dialogue entre les deux parties et réduire les violations aux droits humains dans les zones de conflits. Cependant, récemment, beaucoup d’internationaux ont été attaqués physiquement par des colons, rendant le travail difficile. L’association continue de développer une forme d’accompagnement pour permettre, notamment aux enfants palestiniens, d’atteindre leur école sans problèmes. (photo: un enfant palestinien rentre chez lui, à l'entrée de la colonie) De nombreuses attaques de colons sur ces enfants ont été répertoriées.

Zones de « sécurité »

Deux zones ont été mises en place dans la ville : la zone H1, où la sécurité est assurée par les Palestiniens et H2 dans laquelle, les habitants, israéliens ou palestiniens sont sous le contrôle Israélien. Cependant, cette délimitation n’arrête pas les soldats israéliens qui interviennent quasi quotidiennement dans les quartiers dits zone H1. (photo : une femme tente de négocier le passage avec des soldats)

De plus, la police palestinienne qui tente d’établir un certain ordre, n’a plus de ressources et est privée de l’usage et de détention d’armes. « Nous ne pouvons pas faire régner l’ordre si nous n’avons aucun pouvoir. Les soldats sapent notre autorité, nous confisquent et nous interdisent le port d’armes. Comment peut on arrêter des criminels armés si nous n’avons rien d’autres qu’une matraque ? Témoigne l’un des responsables de la police de la ville. Au début je gagnais 700 dollars par mois, depuis six mois, je n’ai reçu que 600 dollars.» ajoute t il. En effet, les fonctionnaires ne reçoivent plus leur paye depuis l’élection du Hamas au gouvernement et le boycott de la communauté internationale.


Réelle compassion ou jeu politique ?

L’agressivité des colons d’Hébron a été maintes fois critiquée par les israéliens eux-mêmes. (photo: un père d'une famille de colons nous lance des pierres ) Récemment un article parut dans le Jérusalem Post, signé de l’ancien ministre de la justice israélienne, Yosef Tommy Lapid, a fait polémique. « C’est impensable que la mémoire d’Auschwitz serve de prétexte pour ignorer le fait, que non loin de nous, il y a des juifs qui se conduisent avec les palestiniens exactement de la même manière que les antisémites allemands, hongrois ou polonais, se sont conduit avec les juifs à une époque. » Déclare-t-il.

Ajustant tout de même son propos, il ajoute : « je ne parle pas des crématoires ou des pogroms, mais plutôt des persécutions, poursuites, lynchages, déconsidérations de vie, tactiques d’intimidation, crachats et mépris. » (photo: une porte palestinienne marquée par les colons) Se flagellant oralement sur ses anciennes non réactions face à la situation d’Hébron, l’ancien ministre de la justice se rappel sa lâcheté : « Même pire : j’ai réagit avec silence lorsque j’étais ministre de la justice. » Insiste-t-il.

La situation à Hébron se dégrade de plus en plus et la sécurité des habitants palestiniens de la ville n’est absolument pas assurée face aux colons armés et aux soldats qui tirent sans sommation dans les foules palestiniennes.


Nadia S.

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