19 février 2007

Les bulldozers en action

Debout de bonne heure ce 15 août, la jeune femme qui m'accueille et moi, sommes réveillées par l’une des femmes de la famille. Dès l’émergence de nos esprits encore endormis, la famille allume la télévision sur la chaîne locale. Les soldats israéliens sont en train de détruire une maison dans le camp de réfugiés d'Askar, non loin de chez nous…

Nous voyons à la télévision, le bulldozer aller et venir sur le tas de gravas, comme pour écraser ce qui reste de la maison. Je m’habille en quatrième vitesse et fonce au centre social du camp de New Askar. Les habitants sont en ébullition, le groupe de français est là et nous demandons à aller voir l’action qui se produit en ce moment même dans le camp de réfugiés du vieux Askar, en face. Les responsables palestiniens refusent gentiment, nous indiquant que c’est trop dangereux de s’y rendre lorsque les soldats sont présents, car ils sont sur le qui vive et peuvent tirer à n’importe quel moment. C’est alors que les enfants se mettent à crier, et en regardant à l’horizon nous apercevons le convoi militaire quitter le camp.

Nous montons rapidement dans les véhicules de nos hôtes, direction le lieux du drame. Nous arrivons en plein centre du vieux Askar, camp qui compte plus de
15 000 habitants. Au milieu des ruelles des dizaines de milliers de pierres et de cailloux jonchent le sol. Les enfants et les jeunes se sont levés tôt pour accueillir le convoi de soldats, à coup de pierre. Les réfugiés d'Askar nous racontent qu’ils sont arrivés vers cinq heures du matin. Il y a eu des affrontements, les pierres en témoignent, mais aussi les nombreux impacts de balles sur les voitures et les murs. Nous avançons progressivement vers ce qui reste de la maison. Sur le chemin, les habitants nous expliquent que dans l’une de ces maisons une vieille dame de 70 ans est décédée ce matin, son cœur n’ayant pas supporté les bombes sonores lancées par les soldats à l’aube, sous ses fenêtres. Quatre jeunes hommes ont été arrêtés pour avoir tenté d’empêcher l’armée israélienne de détruire cette maison en plein cœur du camp de réfugiés d'Askar.

Nous arrivons finalement sur ce qui reste de la maison d’une famille comptant une dizaine de membres qui sont maintenant à la rue. Les soldats cherchaient apparemment un homme qui n’était pas présent, parti à Ramallah pour affaire. Le frère de celui-ci a prévenu les soldats. Il témoigne, choqué et portant encore sur le front le bout de tissu que les soldats ont utilisé pour lui bander les yeux. « Ils m’ont dit d’appeler mon frère, que s’il n’était pas là dans les cinq minutes, ils détruiraient la maison ! explique t il, les larmes au yeux. Je l’ai appelé, mais il est à Ramallah, comment pourrait il être la en cinq minutes, ce n’est pas possible, on met au moins une demi heure pour venir ! » Visiblement ce n’était pas le problème des soldats qui ont donc détruit les trois étages qui constituaient la maison familiale.

Mieux encore, ils se sont attachés à écraser sur les murs les taxis jaunes qui servaient aux hommes de la famille de seuls revenus pour nourrir les leurs. Les voici donc, eux, leurs femmes, leurs enfants, à la rue et sans ressources… Les arrivées d'eau ont été défoncées et le jet jailli du sol, tapant violemment sur la carcasse du taxi.


Les petites mains s'agitent sur le chantier, tentant de récupérer ce qui peut encore l'être. Chacun se regarde, horrifié et désemparé face à ce qui vient de se passer. Certain tente d'expliquer à leurs enfants ce qui arrive, pourquoi, comment, que faire... C'est là que la philosophie de la vie prends le pas sur l'évènement. Chacun en tire ses leçons, bonnes ou mauvaises. C'est ainsi que ces enfants apprennent malgré eux, chaque jour, la situation du pays dans lequel ils sont nés.



Nadia S.

2 commentaires:

mehdi a dit…

article très touchant

Unknown a dit…

C'estvraiment bien. Merci Nadia de nous transporter dans ce monde atroce, émotionnel et triste à la fois.

un vrai régal de te lire.