29 avril 2007

Camp d’été dans une ancienne prison israélienne

Ce fut une semaine bien chargée, passée avec les enfants handicapés de Cisjordanie. D’origine de Bethléem, Jénine en passant par Naplouse ou encore Tulkarem, Hébron ou Ramallah, plus d’une centaine d’enfants handicapés sont rassemblés par leurs centres sociaux respectifs dans une ancienne prison israélienne qui jouxte le camp de réfugiés de Fara’a, située à mi chemin ente Naplouse et Jénine.


Activités sportives, artistiques, danses, musiques, et détentes sont au programme de cette semaine. Les enfants, dont les handicaps sont variables, vont et viennent dans cette ancienne prison abandonnée par l’armée israélienne en 1994. Cette ancienne geôle a été récupérée et quelque peu rénovée par l’Autorité Palestinienne et finalement utilisée par le ministère de la jeunesse et des sports palestinien pour en faire un centre de vacances. Nous dormons donc pour la plupart, dans d’anciennes cellules.


Le bâtiment est resté le même, en dehors des salles aménagées pour accueillir les enfants, il reste toute une partie en l’état dans lequel les israéliens l’ont laissé. On peut donc visiter les cellules particulièrement étroites où s’entassaient des dizaines de palestiniens. Les murs sont jonchés de noms, de dates, de témoignages gravés sous la peinture blanche passée à la hâte par les israéliens avant de partir ; en dessous, le mur est noir.


En face des cellules, ont trouve un couloir où sont disposées les salles d’interrogatoires et de tortures.





Des dessins en mémoire de ce qui s’est produit ici recouvrent les murs. Il y a aussi des salles spécifiques pour les collaborateurs : les palestiniens qui sous la pression ou peut être en échange de quelques avantages quelconques, deviennent des espions au service de l’occupant.

En face de la prison, un terrain de foot. Il y a 15 ans, des tentes étaient plantées là et de nombreux prisonniers palestiniens survivaient été comme hiver sous les toiles israéliennes. Aujourd’hui, les enfants courent après le ballon criant de joie… quelle ironie.


Incident

C’est donc dans ce contexte particulier que s’est déroulé le 10ème camp d’été rassemblant les enfants handicapés de Cisjordanie. Un petit incident est venu troublé la fin de cette semaine idyllique, lors de la dernière journée. Un spectacle était organisé avec des chants et des danses. Il y avait même des sourds muets qui dansaient l’Addabke, la danse traditionnelle palestinienne.

L’un des jeunes du camp de Fara’a, dont les handicapés participaient aussi au camp d’été, est venu à la journée de spectacle et a molesté un jeune trisomique. L’un des animateurs a mis le jeune dehors et ce dernier est revenu avec toute sa famille : une cinquantaine de personnes. Courses poursuites dans la prison : certains des enfants en chaise roulante ont été renversés et des animateurs battus a coups de barre de fer ou blessés légèrement au couteau. La police palestinienne est intervenue mais d’une manière très superficielle.

Aujourd’hui, les membres de la famille en question sont recherchés par tous les habitants des camps de Jénine et de Naplouse. Le camps de Fara’a étant dépendant des deux villes, ils ne tarderons pas à les trouver. Le problème c’est que les jeunes des camps sont armés et veulent sérieusement en découdre avec les membres de cette famille. Une sorte de règlement de compte à la manière des gangs. C’est ainsi que devient la Palestine sous occupation : un terrain où subsistent différentes favelas et où fini par régner la loi du plus fort et surtout du plus armé, la police étant submergée, sous équipée et donc pratiquement inefficace. Un jeune animateur me disait : « c’est comme ça ici, s’ils savent que tu es armé ou que tu connais des gens armés, ils te respectent, sinon ils se permettent ce qu’ils veulent. » Je suis étonnée de voir ces jeunes si impliqués dans le travail avec les enfants handicapés devenir des sortes de soldats à la recherche du règlement de compte qui forcera le respect des autres. Cet incident a quelque peu renforcé mon inquiétude sur l’avenir de ce pays.


Nadia S.

P.S. du 30 avril : Les brigades des martyrs d'Al Aqsa de Naplouse viennent de diffuser une affiche communicant leur mépris pour la famille à l'origine de l'altercation de la prison de Fara'a. Ils déclarent que cette famille est désormais interdite d'entrée sur la ville de Naplouse et qu'ils se chargeront de faire respecter cette interdiction.

2 commentaires:

Unknown a dit…

Coucou Nadia,

Que veux-tu ? Lorsqu'on est toujours en face des armes, et ceci, depuis le berceau, on ne peut s'en passer.

L'Occupation crée des monstres et, au delà du traumatisme, ce sont des vies détruites à jamais.

Bon courage !

@+

Nadia Sweeny a dit…

C'est vrai, ce qui fait peur en fait c'est la dislocation progressive de la société plestinienne. Plus les années passent et moins le gouvernement n'a de prise sur sa population, étant constamment décrédibilisé par Israël et son armée.

La société palestinienne finit donc par redevenir tribale et gérée par l'influence des grandes familles et des milices armées... c'est alarmant.