18 avril 2007

Village de Romaneh, le syndrome de la terre volée…

A quelques kilomètres de Jénine, nous nous rendons dans un tout petit village du nord où vivent des agriculteurs. Tout le long de la route, nous longeons la frontière israélienne. Dans la voiture les yeux sont rivés sur notre droite, les palestiniens observent les territoires israéliens, en silence.

Après avoir quitté la route principale, nous prenons un chemin de terre qui nous conduit au petit village nommé Romaneh, qui surplombe la vallée. Depuis deux mois, il n’y a plus d’électricité dans le village, le transformateur est cassé. Un homme d’une quarantaine d’années nous accueille dans sa maison. Il s’appelle Hussein. C’est un agriculteur. Il parle un anglais très clair : il a été professeur d’anglais durant une dizaine d’années en Arabie Saoudite, puis, il y a déjà une décennie, il a décidé de revenir habiter sa terre natale et sa maison familiale.


Après avoir bu le thé, Hussein nous emmène dans son champ d’oliviers, qui surplombe le village. A quelques centaines de mètres, une délimitation bien claire : ici se terminent les territoires palestiniens. « Mais ça n’a rien à voir avec la ligne verte de 67 : Ces terres, ils les ont volées il y a quatre ans environ ». En fait, la ligne de frontière que nous apercevons est le tracé du mur de séparation du nord de la Cisjordanie. « Tu vois le village sur la colline en face, me dit-il. une bonne partie de ma famille habite là bas, mes frères, mes sœurs etc. Du jour au lendemain, ils sont devenus israéliens et je ne n’ai plus le droit de les voir. Ils habitent pourtant à deux kilomètres environ, mais si je veux les visiter, il me faut une autorisation spéciale, je dois aller sur Jérusalem puis remonter sur le village. »


L’homme se retourne vers une autre colline sur notre gauche. « Tu vois ici, cette colline appartenait au village, et les oliviers qui sont dessus aussi. Maintenant c'est israélien. » Je le sens désemparé face au constat de la situation. « Ils nous ont volé nos terres, notre travail, notre vie. Ces terres que nous cultivons nous apportent l’argent qui nourrit nos familles. » M’explique t il. Maladroitement, je lui demande comment l’armée s’y est prise pour installer sa barrière ici. Il me répond le plus simplement du monde : « Bah, un jour ils sont venus et voilà. Ils ont décidé que se serait ici la frontière. Que pouvons nous faire nous les palestiniens ? Nous n’avons rien, nous ne pouvons que regarder et aller nous plaindre à l’ONU et puis ? Que se passe t il ? Rien. Ils ont tous les droits. »

A ce moment, deux jeeps de l’armée israélienne passent sur la route désertée. Hussein les observe avec crainte. Il s’arrête de parler les yeux rivés sur les voitures. Puis un peu plus loin il voit des soldats dans la broussaille. Il me dit « tu les vois là, les soldats ? Regarde, ils passent la frontière quand ils veulent. » Après cinq bonnes minutes de concentration sur la broussaille en question, j’aperçois des mouvements et des têtes casquées. Il a l’oeil Hussein. « Parfois, quand je viens travailler mon champs et débarrasser mes oliviers des mauvaises herbes, les soldats me tirent dessus. Ils crient "dégage tu n’as rien à faire là !" Alors je leur réponds que c’est eux qui n’ont rien à faire là et que je suis sur mes terres, mas ils tirent et visent ma tête, je sens les balles fuser au dessus de moi ! J’ai peur qu’ils me tuent. »

Voyant les soldats se rapprocher, nous quittons le champ de Hussein vers la maison familiale. Il me fait visiter sa petite ferme avec ses quelques animaux, des moutons, des lapins, des poules etc. Une fois dans la maison, j’aperçois un enfant qui semble très malade gisant dans les bras de sa grand-mère. Hussein m'explique : « Cet enfant est handicapé, il est tout le temps malade. me dit il. Lorsque les soldats ont perpétré le massacre de Jénine il y a cinq ans, ils ont bouclé toute la région. La mère du petit s’est présentée au checkpoint pour aller à l’hôpital de Jénine, elle était sur le point d’accoucher. Les soldats l’ont renvoyée. Elle a du accoucher dans la maison mais quand le petit est né, l’oxygénation de son corps ne s’est pas fait normalement. Nous n’avions rien pour l’aider et son cerveau en a gardé les séquelles. »

Le soleil se couche, je dois partir. Je remercie la famille de Hussein pour son accueil chaleureux et je reprends la route de Jénine. Sur le chemin, nous croisons un check point mobile, trois palestiniens dans un taxi semblent en difficulté avec l'armée israélienne, la routine. Dans la voiture, les femmes qui m'accompagnent se mettent à prier à la vue des soldats. Elles ont peur, terriblement peur : je ressens la tension dans leurs yeux et leurs mouvements. Nous passons et elles remercient Dieu. Les nuits sont mouvementées dans le coin, mieux vaut ne pas traîner.



Nadia S.

2 commentaires:

Unknown a dit…

Nadia,

Je suis jour après jour, ce qui se passe en Palestine, grâce à ton travail. Chaque jour davantage, je suis tellement désemparé que, la force me manque pour poster deux lignes.

Ceux que vivent les Palestiniens dépasse mon entendement.

Bon courage !

@+

Anonyme a dit…

thank u for evry thing , palastinian pepole