7 mars 2007

Mountacer, martyr à 15 ans

Ce samedi 26 août 2006, je suis invitée par les jeunes animateurs du camp de Askar al Qadim, à déjeuner. A 12h10 précise, l’un des responsables du centre social entre dans la pièce pour nous annoncer une terrible nouvelle…

... « Nous avons un nouveau martyr : Mountacer vient de mourir ». Il se dirigeait vers l’hôpital de Naplouse pour visiter son frère blessé quelques temps plus tôt d’une balle dans la jambe. Sur son chemin il aperçut les soldats israéliens détruire une maison. Un groupe d’enfants s’amassa non loin et jeta des pierres sur les bulldozers. Mountacer, s'est joint à eux.  Au moment de fuir, les soldats rétorquent à balles réelles.  Mountacer, 15 ans, est mort sur le coup. Il était l’un des jeunes qui fréquentaient le centre social et j'avais eu l'occasion de le rencontrer durant ces quelques jours.

Martyr
Mountacer a pris une balle
dans le dos qui lui a été fatale.
Le cortège funèbre traverse la ville.
Toute activité dans le camp de réfugiés de New Askar cesse. La nouvelle du martyr fait le tour de la ville en quelques heures. Est en fait considéré comme « martyr » toute personne décédée par la faute des soldats israéliens ou dans le cadre de l’occupation israélienne dans les territoires. Ce jeune homme n’était pas un combattant, c’est une certitude mais il a été érigé au rang de martyr par le simple fait que sa vie lui a été enlevée par un soldat israélien. Un processus de "martyrisation" qui n'est pas propre aux musulmans : les chrétiens de Béthleem, par exemple, opèrent le même processus avec en éffigie, non plus la mosquée d'Al Aqsa, mais bien le Saint Sépulcre. Des occidentaux sont aussi érigés à ce rang, dès lors qu'ils périssent dans le cadre de l'occupation militaire israélienne.  Aujourd'hui, le camp de réfugiés de New Askar est en ébullition. Vers la fin d’après midi les hommes se rendent à l’hôpital afin d’escorter le corps du jeune homme jusque chez lui. Des dizaines de voitures arborant tous types de drapeaux à l’effigie de la Palestine et du Hamas, entourent l’ambulance qui transporte le jeune Mountacer. Sirènes et klaxonnes retentissent dans toute la ville.

Les soldats ont détruit
le bâtiment sur les familles
La prière du mort à la mosquée
du camp d'Askar Ajadid,

Rituel
Après que les femmes de la famille lui aient dit un dernier au revoir, le corps est déposé dans la mosquée du camp. Juste après la prière du coucher du soleil, les hommes se réunissent afin de prier sur le jeune homme. L’imam rappel que sur le lieu de la destruction d’autres personnes sont encore sous les décombres. Il en appel à la solidarité des habitants afin de participer aux recherches : d'autre victimes sont encore sous les décombres. 

Le rituel accompli, le corps, déposé depuis l’hôpital sur un brancard, est levé au dessus des têtes sous les cris de « la Ilaha Ilallah », « il n’y a de Dieu que Dieu ». Une marrée humaine défile dans le camp, drapeaux et armes pointés vers le ciel.

De nombreux tirs retentissent dans toute la ville, toutes les femmes sont aux balcons et observent la la vague d'hommes se déplacer en direction du cimetière. Le corps de Mountacer gît, paisible, au milieu de l’excitation que suscite sa mort. Il est blanc, et particulièrement beau : on dirait qu’il dort. On s’attend presque à ce qu’il les ouvre et qu’il reparte de plus belle. Les gens se pressent autour de lui pour l'embrasser une dernière fois. Au dessus de la foule ardente, Mountacer est amené à sa tombe.
Il prendra terre à l’heure de la prière du soir.


 Le lendemain, les affiches à son effigie arborent déjà les murs. Ces affiches pullulent à Naplouse. Des plus vieilles, déchirées, aux plus récentes, représentant des hommes, des femmes ou des enfants. Elles témoignent du nombre intensif de pertes humaines que comptent les familles palestiniennes.



Nadia S.

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