5 février 2008

Grêve générale des fonctionnaires palestiniens

La police opère une descente dans le centre de Ramallah,
DR Nadia Sweeny
Depuis mardi, le secteur public palestinien est en grève générale. Les fonctionnaires se soulèvent contre une décision gouvernementale, les forçant à payer leurs factures en retard depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas.

Plus de 130 000 fonctionnaires palestiniens sont en grève générale mardi 5 et mercredi 6 février, ayant pour conséquence la fermeture de toutes les écoles publiques et le ralentissement du travail des ministères et des hôpitaux gouvernementaux.


Les fonctionnaires s’opposent  à une nouvelle loi gouvernementale qui les force à payer, avant le 25 janvier 2008, sous peine de sanctions, leurs factures d’électricité et d’eau, impayées depuis l’élection du Hamas au parlement. Le boycotte des aides internationales faisant suite à la victoire du parti islamique, avait eu pour conséquence le non paiement des honoraires des employés qui ont donc pris du retard sur le recouvrement de leurs factures.« Ils ne nous ont pas payé pendant un an et demi et ils nous forcent à payer les factures d’un coup, lance Bassam Zakarna, directeur de l’Union des employés du secteur public.  Nous ne sommes pas contre l’idée, mais contre la manière de faire ! ».

Si les fonctionnaires récalcitrants ne paient pas, ils verront un pourcentage de leur salaire automatiquement prélevé et le refus  des institutions de toute délivrance de papiers officiels. « Nous devons nous présenter avec un papier prouvant que nos factures sont à jour. Cela revient à une accusation générale et chacun doit aller prouver son innocence, s’exclame Bassam Zakarna. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement s’implique la dedans, les compagnies d’électricité et d’eau sont sensées être du secteur privé. » Les revendications des fonctionnaires sont multiples. Outre l’annulation de cette loi, ils demandent le paiement, d’ici la fin 2008, des salaires impayés durant la période de boycotte, l’ajustement de leurs salaires à l’augmentation de prix, ayant atteints 40%, le paiement des salaires pour les familles de « martyrs » et une aide pour les transports des fonctionnaires, parfois chers à cause des forces d’occupation israélienne.

La situation est tendue. Le ton est monté vivement entre les Unions de travailleurs et les membres du gouvernement, notamment le premier ministre Salam Fayyad et le ministre de l’information et des affaires étrangères, Ryiad Al Maliki. Ce dernier s’est insurgé contre une comparaison, faite par M. Zakarna, entre les actions gouvernementales et une décision du même type, prise en 1987 par le gouvernement israélien contre des citoyens palestiniens. Zakarna a décrit cette décision comme celle d’une « force d’occupation ». Riyad al Maliki a demandé l’ouverture d’une enquête sur ces allégations, qui selon lui, « indique un manque certain de patriotisme.» Le ministre a de plus affirmé que le gouvernement palestinien voulait « recouvrir une perte annuelle de 500 millions de dollars, due aux factures impayées » et lutter « contre la culture du non paiement. »

Le président de l’Union des professeurs, Jamil Shahada, a ouvertement répliqué que « celui qui parle de culture du non paiement est un inculte. » M. Shahada, leader incontesté du Fatah et ancien conseiller de Yasser Arafat, explique cette levée de bouclier gouvernementale par son appartenance et celle de M. Zakarna, au leadership du Fatah. « Les membres du gouvernements ne sont pas affiliés au Fatah et pensent que nous faisons ce type d’action pour renforcer le pouvoir de notre parti politique, mais c’est faux » indique-t-il. Un entretien officieux a eu lieu ce lundi soir entre les directeurs d’unions et les ministres impliqués.

Mais les garanties apportées par le gouvernement palestinien n’ont pas satisfait pleinement les directeurs d’unions qui ont décidé la poursuite de la grève. D'autres entretiens doivent avoir lieu, devant déboucher sur la décision d’une éventuelle prolongation du soulèvement à la semaine prochaine.

Nadia S.

1 février 2008

L'intifada des neiges

DR Nadia Sweeny

La Cisjordanie est sous la neige. Le gouvernement a décrété un état d'urgence suite aux prévisions météorologiques catastrophiques de cette semaine.

Les météorologues sont plus efficaces que les politologues, c'est déjà ça de gagné. La tempête politique israélienne annoncée et attendue suite à la publication du rapport Winograd sur la guerre au Liban n'a pas eu lieue, mais au même moment, le ciel se déchaînait dans la région. 
Trois jours de couvre feu forcé à Ramallah ont suffit pour rassurer les esprits : certaines prévisions tombent juste. La neige a donc envahit, comme prévue, toute la Cisjordanie. A Ramallah, des batailles rangées de boules de neige ont été organisées par les jeunes palestiniens en mal d'amusement. Entre les soldats en keffieh, arpentant les rues à la recherche de victimes potentielles et les snipers sur les toits, armés de boules glacées, chaque passant en a pris pour son compte. Les jeunes s'entraînent à la troisième Intifada, annoncée par de grands experts ici et là suite à l'ouverture de la frontière entre Gaza et l'Egypte à Rafah. Non, n'allons pas si loin, les jeunes se sont juste détendus et amusés, s'étant vue refuser l'entrée des écoles, universités et boulots, de part l'annonce d'un état d'urgence gouvernemental due à la tempête de neige qui a déferlé sur la région. Quoi qu'il en soit, la bonne humeur règne à Ramallah et les palestiniens goûtent aux plaisirs de la neige, de courte durée dans cette partie du monde. Les jeunes se sont déchaînés et peu importe ce que les gens en pensent, ils vous coursent dans les rues armés de boules blanches et près à vous transformer en bonhomme de neige, et même si vous n'êtes pas d'accord, personne ne viendra vous sortir de votre igloo, pas même les policiers palestiniens, armés de vrais flingues, hilares, qui semblent jouer les arbitres : c'est la règle de l'Intifada des neiges...


Nadia S.

28 janvier 2008

La Palestine en deuil, Abbas en danger

DR Nadia Sweeny
L'Autorité Palestinienne a décrété un deuil de trois jours suite à la mort, samedi soir à Amman, de George Habache, le fondateur du Front Populaire de Libération de la Palestine, parti gauchiste encore inscrit sur la liste internationale des organisations terroristes. Mais même dans le deuil, les dissensions demeurent.

Dimanche soir, le rituel traditionnel des condoléances s'est déroulé à la Moqataa de Ramallah, où chacun pouvait entrer et serrer la main des leaders des partis membres de l'OLP. Cette sélection exclue évidemment, le Hamas et le Djihad Islamique. Pourtant, ce dernier, depuis Gaza, a exprimé sa tristesse devant la mort d'un leader incontesté et emblématique de la cause palestinienne.

Les palestiniens, venus nombreux, ont donc eu l'occasion de rencontrer pour quelques secondes et sous surveillance rapprochée, leur président et son équipe. L'ambiance était au recueillement devant la mort de Habache, né dans la Palestine sous mandat britannique, et devenu réfugié après la création, en 48, de l'état d'Israël. Cependant, chacun sait ici, que le FPLP et le Fatah sont en désaccord sur beaucoup de points et notamment sur la poursuite de la lutte armée contre Israël. Mahmoud Abbas a été vivement critiqué par le comité central du FPLP pour ses déclarations sur les "roquettes futiles" envoyées de Gaza sur le territoire israélien. Le dernier communiqué du parti populaire parle même de continuer activement la résistance, notamment par le biais de leur milice armée : les brigades Abu Ali Mustafa, du nom du prédécesseur de Habache à la tête du FPLP, assassiné en 2001 par l'armée israélienne.

Mouvement terroriste
Pour l'occasion, Abderahim Malouh, actuel leader du parti populaire, se retrouve aux côtés du président Abbas sous la photo du défunt, à la Moqataa. Le FPLP à tendance marxiste-léniniste, est considéré par la communauté internationale comme un mouvement terroriste depuis le détournement d'un avion de la compagne El Al, le 23 juillet 68. Il est détesté par nombre de pays arabes, dont en première ligne la Jordanie. En effet, Habache a été obligé de fuir la Jordanie pour la Syrie en 1957, étant vivement recherché pour son activisme politique et son opposition au système monarchique jordanien. Le FPLP a de plus, grandement payé le prix de son activisme, notamment lors du "septembre noir", en 1970, où la répression jordanienne sur les palestiniens a atteins son paroxysme. Or, coup du sort, c'est précisément dans ce pays que le leader incontesté de la révolte palestinienne a rendue l'âme.

Le président Abbas doit, ce lundi, participer aux funérailles à Amman avant de se rentre en Egypte pour tenter de régler le casse tête de Rafah, que le Hamas a judicieusement ouvert au moment opportun, tirant largement la couverture de sympathie populaire à son avantage, faisant ainsi un pied de nez remarquable au gouvernement israélien et à l'Autorité Palestinienne. Abbas demandait depuis un bon moment l'obtention du contrôle de Rafah... mais Israël refusait et imposait une pression constante. Hamas a réglé momentanément le problème. 

Les palestiniens en rêvaient, le Hamas l'a fait
Le Hamas répond précisément et de manière judicieuse aux exigences d'une population affamée par un blocus stricte.Il se rachète une conduite depuis la prise de pouvoir violente de la bande de Gaza en juin 2007 et propose à Abbas de négocier la gestion de Rafah. Main tendue vers le Fatah, sur laquelle ce dernier crache officiellement. Cependant, selon le bureau du président, Mahmoud Abbas doit se rendre en Syrie après son passage au Caire.

Va-t-il rencontrer le chef du Hamas, Khaled Meshaal pour ouvrir un dialogue officieux ? Abbas est en danger politiquement : sa côte de popularité est en baisse constante. Il a perdu Gaza, se rapproche dangereusement d'Israël et des US, en dénigrant le combat armé contre l'occupant et refuse, en accord avec Israël, tout dialogue pour régler les scissions inter-palestiniennes. Un ensemble de qualificatifs qui n'inspire pas confiance à la rue palestinienne.


Nadia S.